Je l’ai dit le lundi 30 juillet, lors de la dernière Session plénière avant l’été, et je l’ai écrit dans le droit de réponse à l’article « Aussitôt responsable, aussitôt actif ? » publié dernièrement dans les colonnes de L’Indépendant : les attaques de la Droite locale sont d’une part caricaturales et ensuite indignes au regard de la situation empreinte de détresse de nos concitoyens dans la précarité et basses d’autre part vis à vis des agents de la Caisse d’Assurances Familiales (CAF), puisque c’est cette dernière qui gère les dossiers du RMI (elle est mandatée par le Conseil Général pour ce faire)…
Une lecture rigoureuse des statistiques (ce que ne semblent pas savoir faire les élus UMP locaux !) révèle que le nombre d’allocataires dans la période 2004-2006 n’a pas bougé (de 1998 à 2006, la progression du nombre d’allocataires du RMI, en France a été de 17,24%, dans les P.O. elle n’a été « que » de 3%) ; c’est en revanche le montant individuel de l’allocation qui augmente, signe évident d’une population en souffrance et de plus en plus dépendante et ce, malheureusement, partout sur le territoire national.
Comment peut-on qualifier cette volonté, si elle n’est consciente du moins est-elle effective, de la part des élus UMP locaux à chercher à monter une partie de la population contre une autre, cette dernière n’ayant vraiment pas besoin d’être fustigée en plus des difficultés qu’elle rencontre à vivre dignement dans notre société ?
Je ne fais pas partie de ces personnes obtuses qui refusent de travailler à l’amélioration d’un système, social ou autre d’ailleurs. C’est pourquoi, j’ai envoyé – le 14 août dernier - une lettre au Président de la République, lettre que je reproduis ici in extenso :
« Monsieur le Président de la République,
Le Revenu Minimum d’Insertion lors de sa création a été voté à la quasi unanimité par le Parlement. À cette époque, l’ensemble de la classe politique souhaitait trouver des solutions pour lutter contre la pauvreté. À l’heure où les indicateurs font apparaître une paupérisation croissante d’une partie de la population, la pertinence des minima sociaux est remise en cause par certains. Les rapports parlementaires se sont multipliés afin de les réformer, en particulier le Revenu Minimum d’Insertion.
Dès 1998, lors de ma prise de fonction comme Président du Conseil Général, j’avais fait des propositions afin que l’on trouve un équilibre entre droits et devoirs pour les personnes bénéficiaires du RMI. J’avais notamment proposé que le Revenu Minimum soit lié à une activité, qu’elle soit d’utilité collective dans une commune ou une association, que ce soit un contrat aidé ou toute autre forme de travail. L’objectif était de maintenir ces personnes, accidentées de la vie, dans la communauté.
Ma proposition a fait l’objet de très fortes oppositions à l’époque, que ce soit de ma famille politique ou de la vôtre.
Depuis 1998, avec la majorité départementale et les services départementaux, ainsi qu’avec nos partenaires institutionnels et associatifs, j’ai essayé du mieux possible de contenir la progression du nombre de bénéficiaires du RMI et j’ai assumé, avec ma majorité, dans l’urgence, la décentralisation de la gestion de l’allocation au 1er janvier 2004.
Vous le savez, les Départements ne sont pas tous égaux devant la charge que représente le traitement des questions sociales. Les 25 Départements (dont les Pyrénées-Orientales) qui ont la plus forte densité de bénéficiaires du RMI dépensent, dans leur budget social, 50% de plus que les 25 Départements qui ont le plus faible taux de bénéficiaires. Mon département fait partie des 10 départements français qui ont le plus faible revenu fiscal et celui où la demande sociale est la plus forte. En outre, le lien entre le RMI et le taux de chômage a été démontré par le Direction de la Recherche, des Etudes, de l’Evaluation et des Statistiques et l’arc méditerranéen connaît une forte concentration de bénéficiaires de minima sociaux.
Dans ce contexte difficile, il est juste de dire que le Conseil Général des Pyrénées-Orientales a été plutôt performant. De décembre 1998 à décembre 2006, le nombre de bénéficiaires du RMI, rapporté à la population de 20 à 59 ans, est passé de 65 ‰ à 67‰, soit une progression de 3%. Dans le même temps, la progression pour la France métropolitaine a été de 17,24% (de 29‰ en 1998 à 34‰ en 2006).
Cet effort n’a pas été suffisant pour proposer une activité à chaque bénéficiaire et je le regrette.
Pourtant, contrairement à ce qui est parfois avancé, les études montrent que 70% des bénéficiaires du RMI sont dans une dynamique de recherche d’emploi. Seuls 30% des bénéficiaires du RMI déclarent ne pas être en recherche d’emploi (il en est de même pour les bénéficiaires de l’ASS gérée par l’Etat ; ce chiffre atteint 50% pour ceux qui ont l’API, sachant que 50% des personnes détentrices de l’API se retrouvent par la suite au RMI). C’est un levier essentiel sur lequel je souhaite m’appuyer pour aller plus loin.
Dans une France décentralisée où la Constitution a reconnu le droit à l’expérimentation, j’ai l’honneur de solliciter votre soutien, ainsi que celui de vos ministres, afin d’expérimenter dans mon département une autre façon d’aborder les droits et les devoirs des bénéficiaires du RMI en proposant une activité dont la forme serait adaptée à la situation de chacun des 10.000 bénéficiaires de mon département qui sont à la recherche d’un emploi. Les formes seraient à définir d’un commun accord avec vos ministres. Ces derniers pourraient reprendre l’esprit de mes propositions initiales : activité d’utilité sociale de quelques heures dans une communes ou une association, définition d’une nouvelle ambition pour les contrats aidés du secteur marchand ou non marchand (au besoin en expérimentant le contrat le contrat unique), déploiement de chantiers d’insertion gérés par le Conseil Général (afin d’éviter les contraintes que fait peser la réglementation sur les chantier d’insertion gérés par les associations) ou le développement de plateformes communes avec l’ANPE. Tout cela doit se construire avec les syndicats professionnels, les représentants des salariés et de bénéficiaires du RMI.
Si je partage la philosophie du Revenu de Solidarités Actives, elle me semble inadaptée dans un département où le nombre de demandeurs d’emploi est proche de 12%. Le contexte de l’emploi est difficile. L’ANPE dans les métiers en déficit de candidats fait apparaître un solde de 1.200 emplois (dont 680 sont des emplois saisonniers dans l’agriculture). Dans le même temps, pour les métiers où les débouchés sont difficiles, l’excédent de demande est supérieur de 17.000 aux offres (50% des excédents sont concentrés autour de 6 métiers). Cela est à mettre en relation avec les 14.000 bénéficiaires du RMI payés et aux 5.000 entrées et sorties annuelles.
Pour conduire une telle ambition, nous avons besoin du soutien de la solidarité nationale pour adapter la réglementation au contexte local et d’être soutenu financièrement pour porter cette ambition de cohésion sociale.
Si ce projet retenait votre attention, je m’engage avec mon Assemblée Départementale, à mobiliser des ressources financières et à obtenir le soutien des réseaux associatifs et des collectivités de mon département.
Je vous prie d’accepter, Monsieur le Président de la République, l’assurance de ma très haute considération. »
Vous le voyez, il ne s’agit nullement pour moi de rester vissé sur une position, mais bien d’inclure, dans ma réflexion et dans mon action, les nouvelles données, qu’elles soient humaines, sociales, politiques, économiques, voire philosophiques...