L’agression menée par la direction parisienne contre les fédérations socialistes du Languedoc-Roussillon lors de la dernière "affaire Frêche" mérite qu’on s’attarde un moment sur son déroulement.
Première étape : les adversaires internes parisiens de Georges Frêche ne peuvent dans un premier temps qu’accepter l’investiture démocratique massive faite à ses listes par les militants de la région (92% pour une liste en Pyrénées-Orientales pour 2400 militants !). Ils le font toutefois sans joie.
Deuxième étape : alors que personne n’envisage une forte remontée du PS face à Europe Ecologie, et sur la base des résultats des Européennes, les directions des deux formations parlent informellement d’une alliance de deuxième tour et selon certains écologistes, ces contacts remontent à juin dernier. Les exigences des écologistes sont hautes, et la revendication d’une présidence de Région en échange d’un accord national apparaît vite.
Il faudrait pour cela sacrifier un sortant, notamment pour "sauver" la présidence capitale francilienne de Jean-Paul Huchon contre lequel Sarkozy délègue une ribambelle de ministres, de champions de karaté et de judo et autres calomniateurs.
Troisième étape : pour la direction parisienne, le choix est vite fait. Ce sera Frêche, un dirigeant peu orthodoxe (NDLR : ce terme n’a rien contre les Russes, Grecs … c’est une terminologie politique française très souvent employée). Ses phrases à l’emporte-pièce ont toujours été interprétées à contre-sens, dans une forme très "politiquement correcte" du boboïsme parisien, qui oublie notamment les décisions de justice qui ont lavé Georges Frêche de tous les péchés "racistes" dont on l’a lourdement chargé.
Quatrième étape : l’étincelle est fournie par l’article de l’Express (un magazine bien connu pour ses options favorables à la gauche !!! Sourires !!!). Un article signé Jacques Molénat, un journaliste pigiste établi à Montpellier, qui mène dans ses articles et dans ses livres une croisade personnelle de longue date contre le président de Région, reprend, a posteriori, une réplique de Georges Frêche à Laurent Fabius qui avait lui-même indiqué sur Canal + que s’il était en Languedoc Roussillon, "il ne voterait pas Frêche".
On connaît la réponse : "tronche pas catholique" etc. Ce que personne ne relève, c’est que dans la foulée, Georges Frêche a affirmé que lui "en Normandie voterait Fabius". Et le magazine, tout en nuance, qualifie l’apostrophe de "lepéniste". Depuis, Jacques Molénat incrimine la rédaction parisienne de l’Express d’avoir utilisé la citation hors contexte, en l’ajoutant à son article, et en oubliant que Georges Frêche est considéré (parfois accusé) comme un ami d’Israël et a beaucoup fait notamment pour les institutions culturelles juives de sa ville…
Cinquième étape : c’est donc l’Express qui glisse à l’oreille de notre direction nationale que Georges Frêche est "lepéniste". Et notre direction nationale, sans même examiner la réalité des faits, saute dans le wagon de la droite. Serait-ce que notre direction n’a pas encore compris qu’il faut résister aux sirènes de la droite, surtout si elles chantent bien ?
"On le tient", entend-on en filigrane de toutes les déclarations nationales à partir de là. Tout y passe, au mépris du travail accompli par nous tous pour arracher la région à la droite et à l’extrême-droite en 2004. Nous qui avons remis la Région sur la carte de la gauche, repris des départements, reconquis des mairies (aujourd’hui, la moitié des 226 des Pyrénées-Orientales), serions, en fait, d’affreux réactionnaires, racistes et autres qualificatifs sympathiques… Nos fédérations seraient gangrénées par l’antisémitisme, pourquoi pas l’antiféminisme, l’homophobie, etc.
Pendant ce temps les négociations avec Europe-Ecologie ont été reprises et vont bon train. Selon nos sources écologiques, même Daniel Cohn-Bendit y a pris une part plus qu’active. Toujours la même exigence : la tête de liste "commune" doit être écologiste. Hélène Mandroux, volontaire de la première heure, semble-t-il dès juin, n’y serait que seconde pour porter l’estocade à celui qui fut son mentor, au point de lui laisser la mairie de Montpellier… Loyauté, loyauté quand tu nous tiens...
Cela dit, ce type de loyauté ne s’accompagne pas toujours de sens politique, et encore moins d’esprit de sacrifice. Ce seraient les exigences d’Hélène Mandroux et son irruption à la tête d’une liste "socialiste" parisienne qui feront capoter l’alliance si savamment travaillée à Paris depuis l’été, sur notre dos.
Pour satisfaire aux ambitions nationales, éventuellement effacer d’intempestives déclarations sur les retraites, notre direction nationale est allée jusqu’à vouloir "décapiter" notre Région, nos conseils généraux, nos mairies, nos fédérations, de leurs plus actifs militants. Elle a "sacrifié" par une exclusion contraire à nos statuts des dizaines d’années de militantisme et d’abnégation de nous tous.
Le comble a été d’entendre certains de nos "camarades" (Bartolone et Valls) préférer "perdre le Languedoc-Roussillon que de perdre notre âme". On croyait entendre Simon de Monfort au siège de Béziers à qui on faisait remarquer que de bons chrétiens vivaient en ville en bon voisinage avec les Cathares : "Tuez les tous, Dieu reconnaitra les siens". D’ailleurs, cela aurait été le tournant pour une solide unification de tous.
Sommes-nous si incapables de penser "socialiste" par nous mêmes qu’il nous faille le tampon de la censure "solférinienne" pour bouger un orteil en politique ?
Est-ce notre aveuglement politique, détecté par les petits docteurs en socialisme de Saint-Germain-des-Prés, qui dans les Pyrénées-Orientales, nous a fait voter massivement pour Martine Aubry avant notre dernier congrès, contribuant fortement à sa victoire ? (1300 voix d’avance en Pyrénées-Orientales alors que son élection au niveau national n’aura été que de 53 voix. Simple rappel…)
Notre réaction dans les urnes dimanche dernier, l’admirable mobilisation de chacun contre les diktats prouvent une chose : notre Parti socialiste en Languedoc-Roussillon est vivant parce qu’enraciné dans sa démocratie interne et forgé dans son militantisme. 1500 militants d’une région savent en répondre !
Et cette force, personne ne réussira à nous la prendre. Alors dimanche, notre Région sera toujours à gauche, n’en déplaise à certains esprits braqués et déçus peut-être que leur stratégie n’ait pu aboutir. Pour ma part, je suis ravi toutefois que la stratégie du peuple du Languedoc-Roussillon ait réussi ! C’est le peuple et lui seul qui guide notre destin en démocratie. Et je suis fier d’être l’un de ses représentants. Je l’ai déjà dit dans des notes précédentes : ma boussole, c’est le peuple. Vivement dimanche !